La Cour de cassation s’est récemment prononcée sur la responsabilité du vendeur d’une maison, un particulier qui avait réalisé lui-même de gros travaux (vendeur «castor»), à l’égard de l’acquéreur. Quels enseignements tirer de la décision des juges ?
Une règle à prendre en compte…
Pour de gros travaux… En droit de la construction, la loi fixe des règles particulières de responsabilité en cas de réalisation de (gros) travaux constitutifs d’un ouvrage (C. civ. art. 1792 et s.) .
Vendeur = constructeur. L’article 1792-1 2° du Code civil dispose qu’est réputé constructeur «toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire» . Un vendeur particulier (appelé «castor») est concerné.
Vendeur = garantie décennale. En tant que constructeur, un vendeur «castor» peut voir sa responsabilité engagée de plein droit, envers un acquéreur (ou sous-acquéreur), au titre de désordres présentant une certaine gravité. Le vendeur est tenu, à ce titre, d’une garantie légale (la garantie décennale) au titre de désordres concernés, appelés «désordres décennaux» (C. civ. art. 1792) . Vous retrouverez dans notre notice une synthèse de la jurisprudence rendue ces derniers mois concernant la garantie décennale.
Pour des désordres «intermédiaires»…
Pour des désordres concernés… En droit de la construction, sont qualifiés de désordres «intermédiaires» des désordres, apparus après la réception de travaux, qui ne présentent pas la gravité requise pour relever de la garantie décennale au titre de l’article 1792 du Code civil.
Un arrêt à intégrer… Dans une affaire, l’acquéreur d’une maison a réclamé réparation à son vendeur au titre de désordres touchant un mur de soutènement construit par l’intéressé. Ces désordres ont été qualifiés de désordres «intermédiaires» par l’expert judiciaire. Appelée à se prononcer, la Cour de cassation a confirmé le principe suivant. Étant «réputée constructeur, la personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’elle a construit ou fait construire est tenue, pendant les dix années suivant la réception de l’ouvrage, d’une responsabilité pour faute prouvée en ce qui concerne les dommages intermédiaires»(Cass. 3e civ. 30‑1‑2025 n° 23-16347 ; déjà en ce sens : Cass. 3e civ. 4-11-2010 n° 09-12988) .
À sa juste mesure… L’arrêt du 30‑1‑2025 a donné lieu à une publication des pouvoirs publics (Dila) et à une dépêche d’une agence de presse, relayées ici où là, expliquant que la «garantie décennale» était due par le vendeur. C’est inexact et trompeur sur les règles applicables. Pour un désordre décennal, le castor peut voir sa responsabilité engagée de plein droit (sans faute de sa part). Au contraire, pour un désordre intermédiaire, ce qui était le cas en l’espèce, il revient à l’acquéreur de prouver une faute du vendeur. La responsabilité du vendeur ne peut être retenue en l’absence de preuve d’une faute pouvant lui être imputée (ex.: Cass. 3e civ. 4‑6‑2009 n° 08-13239 et 16‑1‑2020 n° 18-22748) .
Nos conseils
Côté «castor». Un vendeur «castor» doit savoir que sa responsabilité, au titre de désordres décennaux ou «intermédiaires», peut être recherchée par un acquéreur, via une action en justice, pendant un délai de dix ans (délai de forclusion) à compter de l’achèvement de ses travaux (C. civ. art. 1792‑4‑1 et 1792‑4‑3 ; Cass. 3e civ. 19‑9‑2019 n° 18-19918 et 7‑9‑2011 n° 10-10596) .
Côté agents immobiliers et notaires. Pour la vente d’une maison dans l’ancien, l’arrêt du 30‑1‑2025 invite plus que jamais à interroger le vendeur sur les gros travaux qu’il a pu réaliser lui-même, afin de le conseiller et l’avertir utilement. Avertissez aussi un vendeur «castor» qu’il ne pourra pas non plus se prévaloir d’une clause exonératoire pour la garantie des vices cachés, au titre des travaux concernés (Cass. civ. 3e 15‑6‑2022 n° 21-21143) .
Pour en savoir plus
Notice sur https://www.alertesetconseils.fr , Annexes, année 21, n° 3.
Un acquéreur peut rechercher la responsabilité pour faute d’un vendeur «castor», au titre de désordres intermédiaires touchant l’ouvrage réalisé, et ce, pendant un délai de dix ans à compter de l’achèvement des travaux. Côté agents immobiliers et notaires, veillez à conseiller et alerter utilement vos clients, en tant que de besoin.
© Editions Francis Lefebvre
www.alertesetconseils.fr – Alertes & Conseils Immobilier – Année 21 – Numéro 03 – 17-3-2025